Auteur : Jean-Bernard
Article original sur le blog de l’Institut d’Etique Vivante
Introduction
Dans cette nouvelle série d’articles, qui ont vocation à faire descendre les conditions de la vie spirituelle dans la matière et la vie quotidienne, et à les rendre accessibles à tous les chercheurs sincères, nous analysons aujourd’hui les fondements essentiels, les conditions minimales et indispensables pour réussir sa vie spirituelle. Ces éléments constituent la base solide sur laquelle peut s’ériger toute pratique spirituelle authentique et transformatrice, quelle que soit la tradition ou la voie choisie.
Elles sont simples à décrire, mais peuvent s’avérer parfois complexes à mettre en œuvre dans la vie quotidienne. Ces fondements demandent une pratique constante, une vigilance intérieure et une détermination sincère pour être véritablement intégrés dans notre comportement quotidien.
Ce sont :
- Le détachement ou “lâcher-prise”
- L’impersonnalité ou “l’oubli de soi”
- L’absence de critique ou “Innocuité”
Le détachement ou “lâcher-prise” pour réussire sa vie spirituelle.

Rappelons tout d’abord que le détachement ne signifie pas devenir indifférent ou apathique face aux événements de la vie. Il s’agit plutôt d’un processus intérieur conscient qui nous permet de nous libérer progressivement de l’attachement excessif aux résultats de nos actions, aux possessions matérielles qui nous entourent, aux émotions passagères qui nous traversent, et aux multiples identités que nous revêtons dans notre existence quotidienne. Cette libération intérieure constitue une étape fondamentale sur le chemin spirituel.
C’est un chemin vers une plus grande paix intérieure, une liberté et une compréhension profonde de soi et du monde.
Voici quelques conseils et techniques pour y parvenir :
Comprendre le détachement
- Différencier le détachement de l’indifférence : Le détachement, c’est lâcher prise sur l’emprise que les choses ont sur nous, tout en continuant à interagir avec le monde avec amour et compassion. L’indifférence, c’est ne pas se soucier du tout, ce qui peut mener à l’isolement.
- Reconnaître la nature éphémère de toutes choses : Tout dans la vie est transitoire. Accepter cette réalité aide à ne pas s’accrocher aux expériences, qu’elles soient positives ou négatives.
Voyons quelques techniques simples :
1. Pleine conscience et méditation
- Observer ses pensées et émotions sans jugement : La méditation de pleine conscience vous apprend à observer vos pensées, vos émotions et vos sensations corporelles comme des nuages passant dans le ciel. Ne les jugez pas, ne vous y accrochez pas, laissez-les simplement être.
- Pratiquer la gratitude : Se concentrer sur ce que l’on a plutôt que sur ce que l’on désire crée un sentiment de contentement qui réduit le besoin d’acquérir ou de s’attacher.

2. Lâcher prise sur les attentes
- Accepter ce qui est : Beaucoup de notre souffrance vient de la résistance à la réalité. Apprenez à accepter les situations telles qu’elles sont, sans chercher à les contrôler ou à les changer immédiatement.
- Se libérer des résultats : Faites de votre mieux dans chaque situation, mais lâchez prise sur l’issue. Le bonheur ne doit pas dépendre du succès ou de l’échec de vos entreprises.
3. Réduire l’identification à l’ego
- Questionner ses identités : Nous nous identifions souvent à nos rôles (parent, professionnel, ami), nos possessions ou nos opinions. Demandez-vous : « Qui suis-je vraiment au-delà de ces identifications ? »
- Pratiquer l’humilité : Reconnaître que vous faites partie d’un tout plus grand et que vos réalisations ne sont pas uniquement le fruit de votre ego.
4. Simplifier sa vie
- Désencombrer : Réduire le désordre physique dans votre environnement peut refléter et encourager un désencombrement mental. Moins vous avez de choses, moins vous avez d’attachements.
- Consommer consciemment : Réfléchissez à vos besoins réels plutôt qu’à vos désirs. Évitez la surconsommation et l’accumulation inutile.

5. Cultiver la compassion et le service
- Se connecter aux autres : En se concentrant sur le bien-être des autres, on déplace l’attention de soi-même et de ses propres désirs, ce qui favorise le détachement de l’ego.
- Donner sans attendre en retour : Le service désintéressé est une puissante pratique de détachement, car il nous apprend à donner sans attachement aux résultats ou à la reconnaissance.
6. Gérer l’échec et le succès
- Voir l’échec comme une opportunité d’apprentissage : Ne vous attachez pas à l’idée de la perfection. Chaque « échec » est une leçon qui vous rapproche de la croissance.
- Rester humble dans le succès : Le succès peut aussi être une source d’attachement. Reconnaissez-le, savourez-le, mais ne le laissez pas définir votre valeur ou vous rendre arrogant.
En résumé
Le détachement est un cheminement continu, pas une destination finale. Il demande de la patience, de la pratique et de l’auto-observation constante. En intégrant ces conseils et techniques dans votre vie quotidienne, vous pouvez progressivement vous libérer des chaînes de l’attachement et expérimenter une liberté spirituelle plus profonde.
L’impersonnalité ou “l’oubli de soi” pour réussire sa vie spirituelle.
L’impersonnalité est un concept profond et souvent mal compris.
Loin d’être de l’indifférence ou un manque de personnalité, elle se réfère à la capacité de transcender la personnalité et de se connecter à une conscience plus vaste, universelle que nous appelons l’âme.
C’est reconnaître que l’essence de notre être n’est pas limitée par notre identité personnelle, nos désirs, nos peurs ou nos réalisations, mais qu’elle fait partie d’un tout.

Qu’est-ce que l’impersonnalité ?
L’impersonnalité, c’est l’état où l’on agit, pense et ressent sans être dominé par les filtres de l’ego. Cela signifie :
- Libération de l’attachement aux résultats : Que le succès ou l’échec d’une action ne définisse pas notre valeur personnelle.
- Absence de besoin de reconnaissance : Agir pour l’action elle-même, pour le bien commun. Ne plus rechercher de louanges ou de validation extérieure. Servir de manière anonyme a une valeur particulière…
- Minimisation de l’identification à l’ego : Comprendre que notre « moi » personnel est une construction temporaire. Notre vraie nature est plus vaste et universelle.
- Objectivité et clarté : Voir les situations et les personnes telles qu’elles sont, sans les déformer par nos propres préjugés ou émotions. Sans projection ni attente.
- Compassion universelle : Développer un amour et une bienveillance qui ne sont pas limités à nos proches, mais s’étendent à tous les êtres, sans distinction.
L’impersonnalité est une forme de catharsis spirituelle. Elle purifie l’individu d’une sentimentalité trop individuelle et égoïste, pour le faire communier aux expériences des autres. Elle ne signifie pas être indifférent, mais plutôt être en mesure de s’exprimer pleinement sans que l’ego ne vienne obstruer la pensée ou l’action.
Comment acquérir cette impersonnalité dans le service ?
Acquérir l’impersonnalité est un cheminement qui demande de la pratique et une profonde introspection. Cela se cultive à travers diverses approches :
1. Pratiques de méditation et de pleine conscience
Comme dans le chapitre précédent:
- Observer le « je » : Lors de la méditation, observez la manière dont le « je » se manifeste dans vos pensées et émotions. Remarquez comment il cherche à s’approprier les expériences, qu’elles soient positives ou négatives. En devenant conscient de ce mécanisme, vous commencez à le désidentifier. Pratiquez des exercices et méditation de désidentification sont accessibles sur simple demande.
- Méditation sur l’interdépendance : Réfléchissez à la façon dont tout est connecté et interdépendant. Comprendre que vous n’êtes pas une entité isolée, mais une partie d’un vaste réseau d’existences, dissout progressivement l’illusion de la séparation de l’ego. C’est le début de la conscience de groupe…
- Pratique de la non-identification : Identifiez les pensées ou émotions qui vous contrôlent. Pratiquez le « lâcher prise » en reconnaissant qu’elles ne sont pas votre essence.
2. Service désintéressé et anonyme
- Agir sans attente de retour : Le service désintéressé est l’une des voies les plus puissantes vers l’impersonnalité. Engagez-vous dans des actions d’aide et de soutien aux autres sans attendre de reconnaissance, de remerciements ou de bénéfices personnels. Cela peut être du bénévolat, de l’aide à un voisin, ou simplement une écoute attentive.
- Offrir ses actions à une cause plus grande : Que ce soit une divinité, un principe universel ou le bien-être collectif, dédiez vos efforts à quelque chose qui vous dépasse. Cela permet de transcender les motivations égoïstes.

- Se voir comme un instrument : Considérez-vous comme un canal ou un instrument au service de quelque chose de plus grand que vous. Cela aide à minimiser l’importance de l’ego dans l’action.
3. Déconstruction des identifications
- Questionner les rôles et les étiquettes : Prenez conscience des rôles que vous jouez (parent, professionnel, ami, etc.). Voyez les étiquettes que la société ou vous-même vous apposez. Un travail particulier sur l’analyse de vos subpersonnalités peut aussi vous aider. Reconnaissez que ces rôles sont des fonctions, et non votre identité profonde.
- Accepter la vulnérabilité : L’ego cherche souvent à se protéger et à maintenir une image parfaite. En acceptant nos imperfections et nos vulnérabilités, nous réduisons la pression de maintenir une façade égoïque.
- Pratiquer l’humilité : Reconnaître que tout ce que nous avons ou réalisons est le fruit de multiples facteurs, et pas seulement de notre propre mérite, aide à dissoudre l’orgueil et l’attachement à l’ego.
4. Étude et contemplation
- Textes sacrés et philosophie spirituelle : De nombreuses traditions spirituelles mettent l’accent sur la nature illusoire de l’ego et l’unité de toute existence. L’étude de ces textes et la contemplation de leurs enseignements peuvent aider à internaliser le concept d’impersonnalité.
- Réflexion sur la mort et l’impermanence : Contempler la nature éphémère de la vie et la certitude de la mort. Cela peut aider à se détacher des préoccupations égoïstes et à valoriser ce qui est essentiel et universel.
L’impersonnalité ne vise pas à effacer la personnalité unique de chacun. Elle la purifie de ses aspects limitants et égoïstes. Ainsi, la personnalité peut s’exprimer de manière plus libre, authentique et au service du bien commun. C’est une voie vers une plus grande liberté intérieure et une connexion plus profonde avec l’univers.
Absence de critique ou innocuité pour réussire sa vie spirituelle.
La critique, en particulier le jugement négatif et la médisance envers les autres, est considérée dans toutes les traditions spirituelles comme un obstacle majeur et significatif sur la voie de l’évolution personnelle et spirituelle.
Cette tendance à juger autrui constitue un véritable frein à notre propre progression intérieure. Cela crée des barrières subtiles mais puissantes entre nous et notre véritable nature.

Il semble évident à première vue que nous ne sommes pas totalement impliqués dans cette difficulté, que nous sommes peut-être au-dessus de ces tendances critiques. Cependant, si nous prenons le temps d’analyser honnêtement et en profondeur nos pensées quotidiennes, même les plus fugaces, sont-elles réellement et totalement exemptes de critique, de jugement ou d’évaluation négative envers les autres ? Nos réactions intérieures face aux comportements d’autrui sont-elles véritablement empreintes de pure bienveillance et de compréhension inconditionnelle?
Pourquoi la critique est-elle néfaste sur la voie spirituelle ?
- Elle nourrit l’ego : La critique est un outil de l’ego pour se sentir supérieur. Lorsque nous critiquons quelqu’un, nous nous plaçons implicitement en position de juge, nous considérant comme meilleurs ou plus avisés. Cela renforce notre sentiment d’auto-importance et d’orgueil, qui sont des obstacles majeurs au détachement et à l’impersonnalité.
- Elle détourne l’attention de soi : En nous focalisant sur les défauts des autres, nous nous détournons de nos propres imperfections et de notre cheminement intérieur. Comme le dit la parabole biblique, nous voyons la paille dans l’œil de notre frère mais pas la poutre dans le nôtre (Matthieu 7:3). La critique est une forme d’évitement de l’introspection.
- Elle crée de la dualité et de la séparation : La spiritualité vise à reconnaître l’unité de toute vie. La critique, au contraire, crée des divisions, des jugements et des frontières entre les individus. Elle alimente un sentiment de « nous » contre « eux », ce qui est contraire à la vision d’interconnexion.
- Elle est basée sur des jugements superficiels : Nous ne pouvons jamais connaître les intentions profondes ou les expériences vécues par une autre personne. Juger sur les apparences conduit à des conclusions erronées et injustes.
- Elle génère de l’énergie négative : La critique est une forme de pensée et de parole négative qui abaisse notre propre vibration et celle de notre environnement. Elle peut créer un égrégore négatif, un champ d’énergie collectif néfaste.
- Elle entrave la compassion et l’amour : Critiquer quelqu’un rend difficile de ressentir de l’amour, de l’empathie et de la compassion envers cette personne. Ces qualités sont pourtant essentielles pour la croissance spirituelle.
- Elle est souvent un reflet de nos propres insécurités : Ce que nous critiquons chez les autres est souvent un aspect de nous-mêmes que nous n’avons pas accepté ou que nous projetons. Les autres agissent comme des miroirs.
Quelles sont ses conséquences ?
Les conséquences de la critique sur la voie spirituelle sont multiples et peuvent être dévastatrices :
- Ralentissement du progrès spirituel : L’ego renforcé et la focalisation sur l’extérieur empêchent d’atteindre le détachement, l’impersonnalité et la connaissance de soi.
- Perte d’énergie : La critique est énergivore. Elle nous épuise et nous prive de l’énergie qui pourrait être utilisée pour des pratiques plus constructives.
- Isolement et détérioration des relations : Les personnes critiques sont souvent évitées. Leurs relations sont marquées par la méfiance et la distance, ce qui est contraire au développement de la connexion et de l’amour universel.
- Déformation de la perception : La critique fausse notre perception du monde et des autres, nous empêchant de voir la bonté et la lumière en chacun.
- Création d’un karma négatif : Nos paroles et nos pensées ont évidemment un impact karmique. La critique peut générer des conséquences négatives pour soi-même et alimenter les bas-astral.
- Mal-être intérieur : Une personne qui critique constamment est rarement en paix avec elle-même. La critique est souvent le signe d’une insatisfaction ou d’une frustration interne.
- Hypocrisie spirituelle : Prétendre suivre une voie spirituelle tout en s’adonnant à la critique crée une dissonance entre les paroles et les actes, ce qui mine l’authenticité spirituelle.
Comment l’éviter ?
Éviter la critique est un acte conscient qui demande de la vigilance et de la pratique :
- Cultiver la pleine conscience : Soyez conscient de vos pensées. Dès qu’une pensée critique surgit, reconnaissez-la sans jugement et laissez-la passer, sans vous y attacher.
- Pratiquer le non-jugement : Entraînez-vous à observer les autres sans étiqueter, évaluer ou classer leurs actions comme « bonnes » ou « mauvaises ». Reconnaissez que chacun fait de son mieux avec les ressources dont il dispose.
- Se concentrer sur soi : Lorsque vous ressentez l’envie de critiquer, ramenez votre attention sur vous-même. Demandez-vous : « Qu’est-ce que cela dit de moi ? Y a-t-il un aspect de moi que je dois explorer ou travailler ? »
- Adopter la règle des trois tamis (Socrate) : Avant de dire quelque chose, demandez-vous :
- Est-ce vrai ?
- Est-ce bon ? (Est-ce que cela apporte du bien, est-ce constructif ?)
- Est-ce utile ? Si la réponse est “non” à l’une de ces questions, il est préférable de ne pas parler.
- Chercher la compréhension plutôt que le jugement : Au lieu de critiquer. Essayez de comprendre la perspective de l’autre, ses motivations, ses défis. L’empathie est l’antidote à la critique.
- Pratiquer la gratitude : Se concentrer sur les aspects positifs des personnes et des situations, et exprimer sa gratitude, permet de déplacer son énergie vers des émotions constructives.
- Simplifier ses paroles : Réfléchissez avant de parler. Choisissez des mots qui élèvent et non qui rabaissent. Adoptez le principe de la « parole impeccable » des Accords Toltèques.
- S’entourer de personnes positives : Évitez les environnements où la critique et les commérages sont la norme. La compagnie de personnes qui cultivent la bienveillance peut vous inspirer.
- Cultiver l’humilité : Reconnaître que nous sommes tous imparfaits et en chemin nous aide à ne pas nous sentir supérieurs et à juger les autres.
- Offrir de l’aide plutôt que de la critique : Si vous identifiez une faiblesse chez quelqu’un, demandez-vous si vous pouvez l’aider de manière constructive et bienveillante, plutôt que de simplement critiquer.
En résumé, la critique est une manifestation de l’ego qui entrave le progrès spirituel en alimentant la séparation, l’orgueil et la négativité. En la remplaçant par l’observation sans jugement, la compassion et la pleine conscience, nous ouvrons la voie à une croissance spirituelle plus profonde et à une plus grande paix intérieure.